Après avoir marché sur les Chemins de Compostelle au printemps 2019, je peux vous affirmer que j’ai vécu tous les états d’esprit retrouvés dans la prière du pèlerin, composée par Jean Debruynne. La voici :
Je marcherai sous le soleil trop lourd, sous la pluie à verse ou dans la tourmente.
En marchant, le soleil réchauffera mon cœur de pierre ; la pluie fera de mes déserts un jardin.
À force d’user mes chaussures, j’userai mes habitudes.
Je marcherai et ma marche sera démarche.
J’irais moins au bout de la route qu’au bout de moi-même. Je serai pèlerin.
Je ne partirai pas seulement en voyage.
Je deviendrai moi-même un voyage, un pèlerinage.
De retour chez moi, j’avais relu ces phrases et plus que jamais, elles résonnaient en moi.
C’est de cette façon que m’était venue l’idée d’enluminer cette prière pèlerine…
L’œuvre fait 21,5 x 28 cm et a été réalisée sur du papier Arches pressé à chaud.
Feuille d’or 23 K. Gouaches Windsor & Newton. Encres Ecoline rouge et Higgins Eternal noire.
Enluminure gothique, bordure réalisée principalement de fleuronnés bleus et rouges.
Présence d’une initiale historiée, texte calligraphié en gothique textura et ponctué de lettres d’inspiration tourneure.
Je voulais profiter de ce projet, que j’ai documenté visuellement, pour vous partager les principales étapes de réalisation d’une enluminure. Car bien souvent, les gens me posent des questions sur le temps que je mets à la réalisation d’une œuvre, mais n’imagine pas toute la préparation qu’il peut y avoir en amont…
Ainsi, lorsque j’ai trouvé mon idée, voici comment je procède généralement :
D’abord, il y a la recherche préliminaire.
Quelle style/période de l’enluminure ai-je envie de privilégier ? Quelle grandeur l’œuvre fera-t-elle ? À cette étape, j’essaie d’évaluer la grandeur de bec de plume qui me sera nécessaire pour écrire le texte, la lettrine à travailler (le J dans ce cas-ci) et la mise en page générale. 0 0
Par la suite, je réajuste ma grosseur de bec de plume et j’approfondie ma mise en page : je commence à réaliser des croquis plus précis. Dans ce cas-ci, celle de l’initiale historiée et de la bordure. 0 0
Après transposition de mon tracé final sur mon papier Arches et traçage des réglures (lignes fines qui recevront le texte), je pose la feuille d’or. 0 0
Puis, je calligraphie le texte.
Bec de plume utilisés dans ce cas-ci : 1.5 mm (C4) pour le titre et 1 mm (C5) pour le texte. 0 0
Et finalement, je pose les couleurs en aplat, les rehauts et enfin les cernes. 0
Vous avez maintenant une petite idée de tout le travail qui peut se cacher derrière une page enluminée – du moins lorsqu’elle est issue de notre propre création !
J’aimerais vous introduire dans l’univers du célèbre manuscrit Le livre de la chasse. Ce codex est bien connu dans le monde des manuscrits enluminés, il fait même parti des manuscrits les plus précieux de la Bibliothèque nationale de France.
C’est un ouvrage de vénerie médiéval, c’est-à-dire un livre qui traite de la chasse à courre (venari en latin signifie chasser). Cette technique de chasse était anciennement utilisée et visait à poursuivre un animal sauvage jusqu’à son épuisement, à l’aide de chiens courants. Quant au rôle du cavalier/chasseur, il consistait à suivre et contrôler les chiens.
Un peu d’histoire…
Gaston III de Foix-Béarn (1331-1391), comte de Foix et vicomte de Béarn, orthographie son surnom avec la graphie de la langue d’oc Febus (et non pas Phébus ou Phœbus). Il semblerait que le comte écrivait son surnom de cette manière dans le but de se démarquer. Fébus est reconnu parmi ses pairs comme l’un des plus grands chasseurs de son époque. Ses compétences en tant qu’écrivain et poète (langue d’oc et français) lui sont particulièrement utiles lorsqu’il compose Le livre de la chasse, qui deviendra l’un des livres les plus célèbres de la littérature cynégétique. Le contenu du codex est dicté à un copiste entre 1387 et 1389 et sera dédié à Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Pour Fébus, la chasse est une activité courtoise, noble et respectable, qui éloigne dignement l’Homme de l’oisiveté des plaisirs mondains.
Le texte est apprécié pour sa technicité car il décrit minutieusement les proies et comment les chasser. L’œuvre comprend quatre livres : Des bêtes douces et des bêtes fauves, De la nature des chiens et de leur dressage, De l’instruction des veneurs et de la chasse à courre et enfin, Chasse aux pièges et engins et à l’arbalète. Il existerait quarante-quatre copies manuscrites du codex.
Écriture gothique, de langue française. Éléments typiques de la période gothique : présence de fleuronnés rouge et bleu, et lettrine présentant un fond en or (les lettres en or caractérisaient plutôt la période romane).
Les enluminures
Le livre est composé de riches illustrations d’une incroyable force, comparables à celles des Bibles, et contient 87 miniatures. Les enluminures ont été confiées à plusieurs artistes, notamment au Maître des Adelphes, le Maître d’Egerton et le Maître de l’Epître d’Othéa. Les illustrations peintes s’inscrivent dans le courant gothique international (présent à la fin de la période gothique) qui se caractérise par une volonté d’élégance sophistiquée, où une grande attention est portée aux motifs des étoffes, aux détails des drapés, de la végétation, des animaux, etc.
Au moyen-âge, les illustrations s’inscrivaient dans un système de représentation très codifié. Le but n’était pas de représenter l’espace réel ni la recherche du réalisme, mais plutôt de véhiculer des valeurs hiérarchiques.
Afin de mieux comprendre les valeurs picturales médiévales, explorons-en quelques unes…
Notions de petits et de grands
Dans l’illustration ci-haut, remarquez bien la taille des cavaliers (situés en haut de l’image) par rapport aux valets (situés en bas). Étant donné leur petite taille, on serait porté à croire que les personnages du bas sont des enfants. Mais dans les faits, les cavaliers ont été représentés comme de grands personnages pour nous indiquer leur supériorité hiérarchique par rapport aux valets.
La droite et la gauche
Les éléments présentés à droite de l’image ont généralement plus d’importances que ceux présentés à gauche. Toujours dans l’exemple ci-haut, le positionnement à droite du cerf nous révèle son importance : en effet, c’est le centre de l’attention car c’est la proie chassée. Dans le même ordre d’idée, le seigneur est représenté à droite de son aide, le valet qui manœuvre le limier est situé à droite des autres valets, toujours dans la même intention de démontrer ou de renforcer la relation hiérarchique entre les personnages.
Le dédoublement
La répétition d’un élément vient toujours renforcer son action : le seigneur et son aide, les deux chiens qui se trouvent côte-à-côte, etc. Leurs forces sont alors conjuguées vers un but commun, celui de traquer la proie. Par opposition, le cerf n’a pas de double : cela intensifie davantage sa vulnérabilité et son isolement.
Dynamique de l’image Nous assistons à un temps fort d’une scène de chasse, moment où le seigneur sonne le cor pour appeler sa meute de chiens. Tous les éléments de gauche convergent et pointent vers la proie située en haut à droite, créant ainsi une diagonale qui traverse l’image et en augmente la tension. Le cerf semble même presque prisonnier des limites du cadrage de l’image.
La vue de profil et celle de face
De manière générale, et c’est particulièrement vrai dans l’exemple ci-haut, les vues de face représentent un personnage important, figé dans un rôle hiérarchique ou royale, tandis que les vues de profil représentent des personnages qui sont en pleine action. On voit ici un seigneur représenté de face et pourvu de ses attributs royaux, entouré de valets qui vaguent à leurs occupations.
La proximité versus l’éloignement
Les éléments (humains, animaux, etc.) qui sont représentés proches les uns des autres donnent une impression de communion et se font écho dans leurs gestes. À l’opposé, un élément isolé par rapport aux autres marque soit l’importance de son statut, soit son conflit relationnel ou encore son indépendance. Dans le cas de l’illustration ci-haut, notez combien le roi est visuellement isolé des autres personnages, tandis que les valets et les limiers se touchent pour former une sorte de « ribambelle » de part et d’autre du roi, leur supérieur hiérarchique.
Les arrière-plans
Les fonds aux dallages variés, qui rappellent les tapisseries de l’époque, sont l’œuvre de praticiens spécialisés. Ils sont omniprésents dans l’œuvre. Quant à la végétation, elle a été réalisée dans une gradation de verts, posés ton sur ton, typique de la fin du moyen-âge. Le livre de la chasse est également considéré comme le premier ouvrage zoologique à voir le jour. La faune et la flore sont si bien réalisées que le naturaliste Georges-Louis Leclerc de Buffon se servira du livre comme d’un manuel d’histoire naturelle. D’autres générations de naturalistes utiliseront les illustrations du codex en exemple et ce, jusqu’au XIXe siècle.
Ainsi, le célèbre livre de Fébus fait encore parler de lui aujourd’hui car il constitue un véritable chef-d’œuvre de l’art de la chasse. Il y aurait encore matière à approfondir le sujet, mais cet article a le mérite d’être une bonne entrée en la matière !
Ça y est, j’ai débuté mon projet de livre écrit entièrement à la main !
Me voici donc officiellement dans la peau d’un scribe !
J’ai commencé le projet d’écrire un conte entièrement à la main, principalement manuscrit en gothique textura (XIVe siècle), avec quelques interprétations personnelles de la fraktur (pour son côté fantaisiste, idéal pour un conte).
Pour l’encre, j’utilise principalement du brou de noix, mélangé à de l’eau distillée. Le texte est la version de La Belle au Bois Dormant écrite par Charles Perrault, édition de 1697.
Aucun doute : dans une vie antérieure, j’étais moine copiste !
Même si on la prend pour acquise, l’enveloppe que l’on connaît aujourd’hui n’a fait son apparition qu’au XIXe siècle. Cet objet, en apparence banale, aura été toute une révolution dans le monde de la correspondance.
Autrefois, pour éviter les regards indiscrets lors des échanges de lettres, on utilisait des techniques de pliages, des petites fentes et des languettes de trous placées directement dans la lettre écrite. Pour sceller le tout, on utilisait de la cire et/ou du fil de soie. Au XVIIe on voit apparaître la lettre double : une feuille de protection qui enveloppe (c’est le cas de le dire !) la feuille écrite.
Voici une démonstration d’une technique simple de pliage.
(Il en existe plusieurs autres, dont des plus complexes, sur la chaîne youtube Letterlocking)
Créer ses projets sur du papier de grande qualité – même si c’est plus dispendieux sur le coup, ça reste au final très payant ! On s’en rend particulièrement compte lorsqu’on commet une erreur…
Voici un exemple concret !
Hier, alors que je calligraphiais un texte, j’avais oublié de mettre un S à laude, et j’avais enchaîné avec le mot regi. Dieu merci, je m’en rendis rapidement compte (avant la fin du travail !) et j’ai pu rattraper le tir.
Bien entendu, lorsqu’on calligraphie un texte et qu’une erreur survient, il est impossible de faire ctrl + Z (ou ⌘ + Z pour les Mac) pour l’effacer en une seconde (vous allez rire, mais c’est souvent mon réflexe !).
Il faut apprendre la patience. Mais y a-t-il le feu au moulin ? Non, alors prenons notre temps.
Avec un exacto, j’ai effleuré très doucement mon papier Arches en effectuant alternativement des mouvements de droite à gauche, puis de gauche à droite. Non seulement sur la partie à effacer, mais également alentour : le but étant d’éviter de faire un « trou » trop distinct dans mon carton.
Ensuite j’ai effectué une rotation de quelque degré de mon papier, et j’ai répété le même exercice. Mon but était d’aller chercher toutes les fibres du papier car, comme vous vous en doutez, elles ne sont pas juste dans un sens. Puis j’ai tourné encore, et j’ai continué à gratter délicatement mon papier Arches…
Quand j’ai eu terminé mon « tour d’horloge », j’ai pris une gomme à effacer et j’ai effacé en ratissant large. Cette opération permettait d’enlever les derniers petits morceaux de carton qui adhéraient encore, en plus d’égaliser les fibres du papier « blessé ». Et j’ai recommencé encore avec l’exacto, c’était reparti pour un tour ! On alterne plusieurs fois exacto-gomme à effacer, jusqu’à ce que le mot ait entièrement disparu.
Le seul problème avec le fait de racler le papier, c’est que la plupart des gens sont impatients et veulent que le mot soit disparu en deux minutes ! Résultat : ils obtiennent un papier blessé, un trou est alors visible au niveau des lettres enlevées. Il faut avoir à l’esprit qu’effacer un petit mot de quatre lettres peut prendre environ 15 minutes.
Malgré le soin apporté au moment d’effacer les lettres, le carton peu se fragiliser. Afin de calligraphier sans risque que le carton blessé absorbe l’encre et ne bave, il faut très peu charger sa plume avant d’écrire à nouveau dessus.
En réalisant mon travail de session (cours d’initiation à la paléographie s’intitulant Lecture des sources manuscrites) à l’université, j’ai eu la chance de tomber par hasard sur un colophon !
Qu’est-ce qu’un colophon ?
C’est un court texte laissé par le scribe à la fin du manuscrit. Il peut s’agir de son nom, de la date de copie, des conditions dans lesquelles il a travaillé, etc. Lorsque j’ai consulté le manuscrit Cicéro, De Officiis (1450) à la bibliothèque de l’Université McGill, section des livres rares et anciens, j’ai découvert ce que je pense être un colophon laissé par le scribe à la dernière page de l’ouvrage. Finis. Deo gratias.
À l’aide des incipits et des explicits, j’ai retrouvé deux copies des célèbres écrits de Marcus Tullius Cicéro. Aucune des copies étudiées ne se termine par « Finis. Deo gratias. » Ces trois mots, qui ne semblent pas faire parti du texte initial, me laisse supposer qu’il s’agit bel et bien d’un colophon laissé par le copiste à la toute fin de son texte.
Deo gratias était une formule latine utilisée au moyen-âge pour rendre grâce à Dieu, notamment à la fin des offices religieux (catholique). C’est également une expression, d’un usage familier, pour signifier le soulagement au terme d’un ennui, ou d’une situation pesante.
Le professeur de mon cours nous avait partagé un colophon particulièrement révélateur des conditions de travail d’un scribe :
« Le travail du scribe est le rafraîchissement du lecteur : ce premier affaibli son corps, ce dernier profit son esprit. Qui que vous soyez, alors, qui profitez par ce travail, n’oubliez pas celui qui a peiné pour le réaliser… celui qui ne sait pas écrire le croit pas grand-chose… mais ça embrouille les yeux, ça courbe le dos, ça brise l’estomac et les côtes, le travail rempli vos reins avec la douleur… Comme le dernier port d’escale est doux pour le marin, ainsi est la dernière ligne pour le scribe. »
Tenir dans ses mains un manuscrit datant de plusieurs siècles, c’est autre chose que de le voir sur un froid et distant écran d’ordinateur. L’avoir en main, c’est toucher la texture de la peau de l’animal, sentir l’odeur du parchemin, apprécier celle du cuir de la reliure. C’est aussi s’extasier devant l’incroyable régularité des lettres, patiemment tracées en respectant le ductus de chaque lettre. On peut presque sentir le soulagement du scribe lorsqu’il trace sa dernière lettre, après des semaines voire des mois de labeur.
Pas besoin d’être un calligraphe chevronné pour exercer une écriture manuscrite !
Faites l’exercice : prenez un crayon et une feuille de papier, et écrivez. Vos listes de courses, un mot pour rappeler à votre enfant de ne pas oublier son devoir de math, un mot doux pour votre moitié, et pourquoi pas vos états d’âmes du moment !
Ne sentez-vous pas une différence ?
Exit les applications de nos mobiles, les textos et messenger de ce monde. Du moins, pour un instant. Prenons le temps de souffler un peu dans ce monde effréné par le numérique…
1 • L’écriture manuscrite apaise l’esprit.
Quand vous ressentez le besoin de vous exprimer ou de comprendre un problème qui vous accable, écrivez. Librement. Simplement. Laissez sortir tout le « méchant » comme on dit, et je vous promets que vous ressentirez un début, même infime, d’apaisement. Mettez de côté ces écrits, puis revenez-y quelques heures plus tard, à tête reposée. Ou brûlez-les si vous ressentez le besoin de vous en libérer. Cela vous appartient.
Écrire est un geste libérateur de tension, de stresse et de colère. Écrire permet de prendre de la distance et de mieux réfléchir. Le geste physique de poser son crayon sur le papier et d’écrire, permet au corps de se connecter au message que l’on veut exprimer. C’est tout notre être qui communique et participe à jeter sur papier nos pensées.
Ces moments d’écriture nous permettent aussi de s’isoler quelques instants avec nous-même, de nous reconnecter avec notre essence.
Tracez des lettres à la main n’implique pas les mêmes processus cognitifs que ceux utilisés pour taper sur un clavier. L’acte d’écrire permet au cerveau de s’activer et facilite l’apprentissage (ce serait particulièrement vrai en ce qui concerne l’écriture cursive, plus communément appelée « lettres attachées »).
Bien que les notes de cours distribuées en classe par les professeurs permettent de gagner du temps, l’enfant apprend mieux une matière si on le laisse prendre des notes à la main. De plus, les élèves chercheraient plus à comprendre ce qu’ils écrivent que ce qu’ils tapent sur le clavier. Apprendre une écriture à la main permet de développer une plus grande rigueur, à travers l’analyse de l’espace, de l’équilibre et de la structure des lettres. Il ne faut pas hésiter à donner un crayon à un enfant dès son plus jeune âge : il développera ainsi une motricité plus fine que s’il se contente seulement de manipuler de gros crayons ou jouets de plastiques.
À ce sujet, un de mes élèves, peintre en bâtiment, m’a confié effectuer de meilleures lignes de peinture dès les premiers cours de calligraphie suivis. Les changements qui s’opèrent dans le cerveau sont notables, même sans pratiquer l’art de la belle écriture depuis des années.
3 • L’écriture manuscrite et la culture.
Les nombreux messages envoyés par textos et autres moyens numériques, bien que parfois très pratiques, se perdent dans le dédale des données de nos ordinateurs et de nos téléphones intelligents.
Ces messages sont envoyés vite fait, bien fait.
Peu importe les fautes de grammaires ou d’orthographes, les tournures de phrases bancales et autres blasphèmes linguistiques. Sitôt envoyé, sitôt oublié, tel est l’apanage du message virtuel. Le problème est qu’on s’y habitue. Puisque tout le monde s’y colle, on en vient à banaliser voire même à accepter, la baisse de niveau. Si bien qu’à force, on ne sait plus écrire correctement — et je m’inclue aussi là-dedans !
Lorsque vient le temps de rédiger une lettre de motivation pour un travail, un rapport détaillé dans un cadre professionnel, ou encore un billet de blogue (!) on ne sait plus faire…
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Pour conclure, l’écriture manuscrite est quelque chose de très personnel : elle permet d’exposer sa personnalité et sa créativité, chaque gestuelle étant unique et chaque style d’écriture étant différent. Permettez-vous, même un court instant, un tête à tête avec vous-même : prenez un crayon, une feuille de papier et éteignez toutes les lumières de votre maison. Craquez une allumette et allumez une bougie. Goûtez cette ambiance feutrée et permettez à votre esprit de se libérer. Ce moment d’intimité avec vous-même vous éloignera à coup sûr de notre époque moderne et effrénée !
Je suis en train d’apprendre la semi-onciale irlandaise, également appelée semi-onciale celte. Elle fut notamment pratiquée au cours des VIIIe et IXe siècles. Le très célèbre livre de Kells a été réalisé dans ce style d’écriture.
C’est en toute humilité que je vous présente ce court texte, car j’en suis à mes premiers balbutiements dans cette calligraphie! Et c’est beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît… En effet, la semi-onciale irlandaise est plus raffinée que la onciale des VIe et VIIe siècles (que je pratique déjà depuis plusieurs années). En traçant avec soin chacune des lettres, je réalise le travail de moine (c’est le cas de le dire!) que représentait le travail des moines copistes de cette époque.
Je vous invite à porter une attention particulière aux lettres suivantes : les g et les n. Par exemple, remarquez le g dans le mot « regum » (situé à gauche, vers le bas), et le n dans le mot « unde» (situé au milieu). Regardez bien aussi l’apex (l’empattement supérieur de la lettre) présente dans plusieurs lettres (d, l, u, etc.) : il ressemble à un petit triangle de côté.
Vous serez maintenant capable de reconnaître un g et un n dans le livre de Kells (ici, folio 103r) :
Ci-dessous, admirez les esperluettes des lettres e et g puis e et t, présentent respectivement dans les mots « regnum » et « eterunt ». Elles sont très nombreuses dans les textes du livre de Kells.
Ci-dessous, dans le folio 15v, voyez la particularité des lettres y et z.
Les signes de ponctuations sont également très différentes de celles retrouvées de nos jours.
Si vous observez le texte que j’ai calligraphié, vous verrez parfois un, deux ou trois points. Le point est l’équivalent de la virgule d’aujourd’hui, les deux points égalent le point moderne, et le trois points nous informe de la fin d’un paragraphe. Non visible sur mon texte, le point d’interrogation se reconnaît par un s couché.
Mieux connaître les caractéristiques des écritures passées nous permet de mieux les apprécier! Et surtout, de pouvoir lire et comprendre le texte.
Lorsque je suis tombée par hasard sur la série canado-irlandaise Vikings, j’ai eu un véritable coup de foudre ! Plusieurs événements relatés sont inspirés d’histoires vraies.
La plupart des séries qui se déroulent dans le passé abordent les guerres, les luttes de pouvoir, les histoires d’amour, etc. La série Vikings n’y fait pas exception. Toutefois, elle a su aborder quelques bribes d’un versant de notre histoire occidentale souvent méconnue du grand public : les manuscrits enluminés. C’est avec émotion que j’ai regardé l’histoire se dérouler sous mes yeux…
Dès la première saison, Ragnar Lothbrok et sa bande débarque sur une île d’Angleterre pour piller et brûler le monastère de Lindisfarne.
Cette attaque créera une onde de choc dans la chrétienté : elle marquera le début de l’époque viking. C’est aussi un moment fort de l’histoire puisqu’on fait la rencontre d’Athelstan, un moine copiste qui aura un grand rôle à jouer dans la série.
Les Vikings sont avides de richesses. Pendant qu’ils pillent le monastère, Ragnar découvre un moine caché, maintenant contre lui un livre auquel il semble très attaché. D’abord surpris de constater que le moine parle la même langue que lui, il lui demande pourquoi il a choisi de sauver « ça » — le livre, plutôt que tous les autres trésors en or. Athelstan répond naturellement que le livre contient la parole de Dieu. Les autres vikings veulent tuer le moine, mais Ragnar s’y oppose. Il parle leur langue et pourrait leur être utile.
Athelstan devient l’esclave de Ragnar, du moins pour un certain temps. Un soir, pendant que le moine entend bien malgré lui les ébats amoureux du viking et de sa femme, il essaie de trouver un peu de réconfort dans son fameux livre. On voit donc ce que le chrétien lit : un livre manuscrit et enluminé. Peut-être l’évangéliaire de Lindisfarne ?
Dans la deuxième saison, le roi Ecbert montre à Athelstan son antre secrète, là où sont entreposés des manuscrits romains.
Inquiet des invasions barbares (sous entendu les non chrétiens, particulièrement ceux provenant d’Europe du Nord — en l’occurrence les Vikings) il confie au moine la noble tâche de recopier les précieux manuscrits afin de les préserver à jamais.
Durant la saison quatre, dans le but de satisfaire la princesse Judith, le roi Ecbert lui trouve un moine enlumineur afin qu’il lui enseigne l’art de l’enluminure.
On a beau lire dans les livres d’histoire les événements du passé, mais rien n’égale le fait de voir le regard guerrier d’un viking ; de sentir la peur viscérale chez les moines ; de capter la magie et l’espoir dans les yeux d’un humain lorsqu’ils les posent sur un livre sacré…
La série Vikings a permis de rendre tangible, une réalité depuis longtemps oubliée.
Source : Les images sont des copies d’écran youtube de la série Vikings.
La première fois que j’ai tenu une plume à la main et que j’ai tracé mon premier « a », eh bien j’avoue avoir été un peu surprise ! C’est à ce moment-là que j’ai mesuré toute l’ampleur de ma méconnaissance sur l’art de la belle écriture !
On a l’habitude d’écrire, c’est-à-dire de tenir un crayon à la main et de laisser couler le geste, sans trop réfléchir. Toutefois, apprendre la calligraphie, c’est surtout apprendre à tracer notre lettre, un trait à la fois. C’est une tout autre approche de l’écriture.
Ici, nous avons le ductus* de la première lettre de l’alphabet, pour l’écriture chancelière.
Voici 2 essais pour la lettre « a », avec mes commentaires.
La clé pour apprendre à calligraphier : observer ! et surtout, pratiquer !
*Ductus : mot latin qui désigne la suite logique de l’ordre et la direction des lettres.
Délié : partie étroite de la lettre.
Plein : partie épaisse de la lettre.