Les bulles papales

Quand les pas du pèlerin croisent des sceaux historiques et les secrets du Vatican

Au printemps 2019, j’ai marché un des chemins de Compostelle : le Camino Francès. J’ai traversé l’Espagne à pied, de Saint-Jean-Pied-de-Port (village situé en France, au pied des Pyrénées) jusqu’au bord de la mer (Finisterre, en Espagne) en passant bien sûr par la mythique cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle !
Comme on peut s’en douter, ce genre de périple réserve toujours son lot de surprises… !

Alors que j’arrivais de bon matin au village de Castrojeriz (Espagne), je suis entrée dans la Iglesia de Santa María del Manzano pour faire la visite d’une petite exposition locale. Pour 1 euro, on peut dire que j’en ai eu pour mon argent…

castrojeriz Vu sur le village de Castrojeriz, en provenance de Hontanas.

Fraîchement sortie de mon cours universitaire Lecture des sources manuscrites (initiation à la paléographie), qu’elle ne fut pas ma surprise de tomber sur ce qui semble être une authentique bulle papale !

Bien que toutes les bulles papales aient été produites à Rome (et soient donc conservées dans les archives du Vatican) il est possible d’en retrouver dans les lieux où elles ont été envoyées. 

Dans ce cas-ci, nous avons affaire à une bulle du pape Julius II (merci à mon professeur pour cette identification !). Son vrai nom est Giuliano della Rovere : lorsqu’il fut élu pape par l’Église catholique le 1er novembre 1503, il reçut le nom de Jules II. Mais, comme le veut la tradition papale, il prit le nom latin de Julius II. Son pontificat s’est étendu de 1503 à 1513. C’est ce pape ambitieux qui commanda à Michel-Ange, les fresques du plafond de la chapelle Sixtine, à Rome.

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Qu’est-ce qu’une bulle papale (ou pontificale) ?

La bulle, ou bulla en latin, désigne le sceau apposé sur les lettres et chartes papales pour les authentifier. Elle sert de moyen formel pour communiquer des actes de haute importance dans l’Église catholique, tels que des décrets, des nominations, la création de diocèses, la désignation de cardinaux, etc. 

Le texte est calligraphié en minuscule papale (carolingienne) et on retrouve la présence de longues hastes. On peut remarquer des lettres allongées sur la première ligne (elles deviennent davantage communes après le XIe siècle). C’est également à partir de ce siècle que les bulles sont rédigées sur du parchemin (elles furent longtemps faites sur du papyrus).

Ce document officiel pontifical, produit par la chancellerie apostolique (qui gère les documents et les actes officiels émis par le Saint-Siège, soit l’Église catholique romaine), est scellé avec un sceau en plomb et sécurisé par un fil de soie.

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À noter qu’à l’époque, les documents royaux ou administratifs arboraient des sceaux en argent ou en or (tel les lettres royales, par exemple). Les documents moins importants étaient scellés avec un cachet de cire.

Langue de la bible et de la liturgie, le latin fut longtemps considéré comme une langue sacrée. Les langues vernaculaires firent peu à peu leur apparition, rendant les écrits plus accessibles et compréhensibles aux populations locales. 

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Toutefois, j’ignore le contenu du message que contient cette bulle papale. J’ai traduit de l’espagnol au français, les panneaux explicatifs alentours du documents, mais il n’y avait aucune information disponible. Du moins, je n’en ai pas vu.

Maintenant, une autre belle surprise m’attendait sur mon parcours compostelien… ! Après une longue journée de marche et un bon repas, j’arpentai les rues de la ville avec enthousiasme : j’allais bientôt tomber, au détour d’une rue, sur un véritable château des templiers !

Château des templiers, Ponferrada, Espagne.

Des décennies de recherches menées dans les archives secrètes du Vatican ont permis de révéler les secrets enfouis pendant des siècles concernant des procès intentés contre les Templiers. En effet, c’est en 2007 que le Vatican a officiellement publié des documents confirmant que l’ordre avait été absous par le pape Clément V, et qu’il fut victime d’un procès injuste. Ces révélations ont également inspiré plusieurs documentaires consacrés à l’affaire, notamment sur le rôle décisif du roi de France Philippe IV le Bel.

Les procès contre les Templiers, au début du XIVe siècle, sont largement liés à la manœuvre politique de Philippe IV, qui, en 1307, ordonna l’arrestation des Templiers sous des accusations d’hérésie, de reniement du Christ et de rituels secrets. Ce fut avant tout une stratégie pour s’emparer de leur richesse. Les accusations, souvent obtenues sous la torture, ont conduit à des témoignages contradictoires et peu fiables. Le pape Clément V, sous pression, prononça la dissolution de l’Ordre en 1312.

Aujourd’hui, des fac-similés des documents liés à ces procès, tels que des lettres d’accusation et des interrogatoires, sont conservés dans des musées et archives, dont une exposition au château de Ponferrada en Espagne.

Ce corpus documentaire, authentifié par trois sceaux cardinalices en cire, met en lumière les confessions de 72 chevaliers interrogés par le pape en 1308, ainsi qu’un parchemin découvert en 2001 contenant l’absolution accordée à Jacques de Molay (Grand Maître de l’Ordre des Templiers) et à d’autres chevaliers, qui furent finalement brûlés vifs.

Les sceaux cardinalices en cire ne sont pas des bulles papales, car elles ont été émises par des cardinaux (les bulles papales sont émises uniquement par des papes).

Ces documents, reproduits en fac-similé par les archives secrètes, ont été acquis en 2007 par la ville de Ponferrada, ancienne cité templière, qui commémore l’héritage de ces chevaliers ayant occupé une partie de leur château entre 1178 et 1308.

Les informations contenues dans cet article proviennent de mes notes de cours d’initiation à la paléographie, cours HIS4023 – Lecture des sources manuscrites, et des panneaux informatifs qui accompagnaient les documents exposés au musée.

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